Pour la première fois, un joueur égyptien passe aux aveux. Ce dont le monde entier se doutait, c’est au Compétiteur que Nagy Gedo le confirmera. Dopage, corruption … le meilleur buteur de la CAN 2010 lance un véritable pavé dans la mare (ou dans le bus), et qui risque de déclencher un tourbillon médiatique qui pourrait bien faire tomber des têtes, aussi bien à la Fédération Égyptienne qu’à la CAF. Retour aux pyramides.
Mohamed Nagy, bonjour, merci de nous avoir sollicités.
Bonjour. Je vous ai contacté car j’avais des choses à dire. C’était un secret que je ne pouvais garder plus longtemps, et qui me posait un vrai problème de conscience. Je sais que, suite à ses propos, je risque d’être indésirable dans mon pays, c’est pourquoi j’ai choisi de me confier à vous, algériens.
Nous vous écoutons.
Vous savez, suite à notre élimination face aux Ghana, j’ai beaucoup réfléchi. Il s’est passé beaucoup de choses depuis ma première sélection, en 2009, jusqu’à aujourd’hui. Si je passe aux aveux, c’est parce que je suis convaincu d’avoir été « utilisé » par la Fédération Égyptienne.
Utilisé ? Comment ça ?
J’ai été appelé en sélection pour la première fois quelques jours avant le début de la CAN 2010. Comme vous le saviez, l’Égypte venait d’être éliminée dans la course à la Coupe du Monde 2010, par votre pays en l’occurrence, dans les conditions que vous savez. Ce fut un véritable affront pour mon peuple. La Fédération a alors trouvé une idée pour prendre notre revanche. Elle allait choisir un joueur n’ayant jamais joué en sélection, et en faire, en quelque sorte, un cobaye. Pour faire simple … elle allait le doper durant le tournoi.
Et ce joueur …
… c’est moi (il fond en larmes).
Pourquoi vous ?
À l’époque, j’étais une star montante en Égypte, mais totalement inconnu à l’international. J’avais le profil idéal. J’avais réalisé un bon début de saison avec l’Ittihad Alexandrie, ce qui a poussé les dirigeants à me convoquer.
Dites-nous en plus sur cette histoire de dopage.
Lors de mon arrivée en sélection, on m’a mis à l’écart du groupe. On m’injectait des produits bizarres à l’aide d’une seringue. On me disait que c’était des « vitamines », et que les grandes sélections procédaient ainsi. Je les ai cru naïvement, puisque je n’avais aucune expérience de l’international. En réalité, il s’agissait de l’albumine, un produit dopant qui décuple les capacités physiques et mentales durant quelques minutes. Plus tard, j’ai appris que d’autres joueurs se dopaient régulièrement sans que cela ne leur pose le moindre problème. C’est notamment le cas de notre capitaine, Ahmed Hassan, qui a été étincelant durant le tournoi en 2010, alors qu’il avait 34 ans.
Qui était au courant de cette affaire ?
Très peu de personnes. Le président de la fédération de l’époque, Samir Zaher, ainsi que des médecins de l’équipe. Hassan Shehata n’en savait rien. D’ailleurs, c’est pour cela que j’étais remplaçant à tous les matchs. Shehata ne se doutait pas que j’étais capable de marquer 5 buts durant ce tournoi, qui plus est en rentrant en cours de partie à chaque fois. Zaher a fait pression sur lui pour me faire rentrer en deuxième mi-temps à chaque fois.
Comment avez-vous pu passer entre les mailles du filet ? N’y a-t-il pas de contrôle antidopage ?
Si, bien sûr ! D’ailleurs j’ai été contrôlé durant le tournoi, à l’issue du 1/4 du finale contre le Cameroun. Mais les résultats n’ont jamais été publiés. Il semblerait que la fédération aurait versé de l’argent pour que les échantillons soient détruits. Vous savez, le siège de la CAF se trouve au Caire, l’Égypte a un pouvoir immense sur le football africain.
Lors de notre entretien téléphonique, vous nous aviez parlé d’une autre affaire également …
Tout à fait, j’allais y venir. Comme je vous l’expliquais tout à l’heure, l’élimination face à l’Algérie au Soudan a été vécu comme un drame national. Lorsque nous avions appris que notre adversaire en 1/2 finale de la CAN était l’Algérie, l’équipe semblait abattue, mais le président de la Fédération nous a tout de suite dit que la victoire était assurée. Nous avons appris qu’en réalité, l’arbitre du match, Coffi Codjia, a été choisi personnellement par Samir Zaher, et qu’en plus de cela, il lui a été promis une villa à Charm-el-Cheikh en l’échange d’un petit coup de main afin de battre l’Algérie sur un score lourd (sa villa a été mise en vente depuis, NDLR).
Pourquoi avoir attendu autant de temps avant de passer aux aveux !
Pour deux raisons simples. La première, c’est que je n’étais au courant de rien, jusqu’à ce que certaines langues se délient, suite au départ de Moubarak en 2011. La deuxième, c’est que j’avais une carrière à gérer. Aujourd’hui, j’ai 29 ans, je joue an Angleterre, à Hull City. Je suis bien loin des problèmes du pays. Je suis conscient que je ne participerai jamais à la Coupe du Monde, en 2018 j’aurai 33 ans. De toute façon, la sélection ne m’intéresse plus, et je songe sérieusement à arrêter.
Mohamed, nous n’allons pas vous retenir plus longtemps, merci de nous avoir offert votre témoignage, qui, à n’en pas douter, risque de faire couler beaucoup d’encre durant les jours à venir.
Merci à vous de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer. Je tiens particulièrement à m’excuser auprès du peuple algérien. Je serai derrière vous pendant la Coupe du Monde.