Le timing fut parfait : après avoir convenu d’un entretien avec Djamel Belmadi ce samedi, l’ancien numéro 10 des Verts a eu la joie d’apprendre sa nomination au poste de sélectionneur du Qatar quelques minutes avant notre interview. Djamel n’en perd pas pour autant son franc parler, et n’hésite pas à placer quelques petites piques, qui auront peut-être pour conséquence de mettre le feu aux poudres et à la foudre.
Djamel, merci de nous accueillir ici, à Doha. À force d’effectuer le déplacement, nous allons peut-être emménager ici !
Oh, je vous le déconseille, à moins d’être le sélectionneur national ou footballeur professionnel, les étrangers sont très mal considérés ici, et vous risqueriez de vous retrouver sur le chantier d’un stade, cohabiter avec des népalais dans des taudis et voir votre passeport confisqué. Après, c’est vous qui voyez !
Ce n’est pas très rassurant. Plus sérieusement, vous venez il y a quelques instants d’être promu sélectionneur de l’Équipe Nationale du Qatar. Une réaction ?
Je pense que c’est une juste récompense. En 3 saisons, j’ai remporté 2 championnats du Qatar avec Lekhwiya et un titre international. Pas mal pour un novice. Sans manquer de respect au Qatar, je pense que je méritais mieux. J’avais des pistes dans de grands clubs européens, mais ça ne s’est pas fait. Tant pis, je suis heureux ici, et je suis bien payé.
Quels clubs européens vous ont contacté ?
Je ne vous apprends rien en vous disant que j’ai été très proche de m’engager au Paris Saint-Germain l’été dernier. Ç’aurait été une belle histoire, de revenir sur le banc de mon club formateur, d’autant plus que le propriétaire du club, le Cheikh Al-Thani, qui possède également le club de Lekhwiya, m’apprécie et aurait souhaité mon arrivée dans la capitale française. Mais je me suis heurté au refus d’Al Khelaïfi (président du club), et, surtout, de Leonardo, qui m’a clairement indiqué qu’il ne me voulait pas au club, arguant « qu’un algérien entraîneur du PSG, ça ne faisait pas rêver, ce n’était pas assez bling-bling ». Quelques semaines après, Leonardo a démissionné, comme quoi, ça se joue à rien.
Certaines rumeurs annonçaient un autre algérien au PSG, en l’occurence votre capitaine à Lekhwiya, Madjid Bougherra
Oui, c’est vrai. En 2011, Madjid Bougherra souhaitait quitter les Glasgow Rangers, en proie à de graves difficultés financières. QSI arrivait au PSG à la même période, et cherchait un joueur maghrébin afin pour susciter l’intérêt des téléspectateurs du monde arabe. Madjid a fait un essai à Paris, mais n’a pas été retenu. En réalité, il n’a même pas pu effectuer les essais, car il n’arrivait pas à enfiler le maillot qu’on lui avait donné. J’ai alors pensé à le recruter, et depuis, c’est un cadre de l’équipe. Imaginez aujourd’hui, une défense Bougherra – Thiago Silva au PSG …
Djamel, le Qatar organisera la Coupe du Monde 2022. Outre les polémiques concernant le chantier des stades et les conditions météo, pensez-vous que le Qatar pourra aligner une équipe compétitive ?
Oui, bien sûr. Nous avons encore 8 ans pour nous préparer. La QFA (fédération qatarie, NDLR) a pour cela prévu un plan bien ficelé : nous nous rendons dans les meilleurs centres de formation européens, nous parcourons les favelas brésiliennes et les bidonvilles africains pour dénicher les futurs talents de demain, et, en échange d’une somme d’argent conséquente, nous leur proposerons de les naturaliser pour disputer la compétition. C’est aussi simple que cela. Eh oui, au Qatar, on a le pétrole, et les idées.
Pour finir, quel regard portez-vous sur la sélection algérienne actuelle ?
À vrai dire, je ne m’y intéresse plus trop. À l’époque, je mettais des coups francs à Fabien Barthez, aujourd’hui on s’enflamme parce que Bougherra a marqué à 1m du but du redoutable Daouda Diakité … en tout cas j’espère qu’elle va faire un bon Mondial.
Merci beaucoup Djamel Belmadi et bonne chance pour la suite